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Pénurie de syndics : un danger pour les copropriétés !

Publié le

 

Henry Buzy-Cazaux, président de l'Institut du Management des Services Immobiliers, plaide pour redorer le blason d'une profession de plus en plus boudée... Ce qui n'est pas sans conséquences pour l'avenir.

 

Il y a longtemps que les écoles spécialisées dans la formation des futurs professionnels de l’immobilier sont confrontées à ce problème : les jeunes ou les moins jeunes qui choisissent ce secteur d’activités sont bien rares à se destiner au métier de syndic de copropriété. En moyenne constante depuis des années, les quelques établissements qui se partagent la mission de façonner les talents pour l’aménagement, la promotion, ma transaction, la gestion n’enregistrent guère plus de 5% de leurs diplômés qui veulent devenir gestionnaires d’immeubles collectifs. Les mauvaises années, l’étiage est à 2% d’une promotion de bachelor (bac+3) ou de mastère (bac+5). Dans l’enseignement public, les universités ne font pas mieux : les licences professionnelles ou les cycle master ne parviennent pas davantage à faire lever des vocations de syndic.

 

Diagnostic et proposition de remèdes.

 

On entend d’abord que le métier est tellement difficile qu’il rebute les candidats à son exercice. Trop de servitudes, horaires avec les conseils syndicaux et les assemblées générales tardives, trop de pression, trop de tensions, trop d’agressivité des copropriétaires. Il est clair que les discours de la profession elle-même sur elle-même accréditent cette analyse: on aurait bien du mal à trouver des verbatims de responsables immobiliers présentant ce métier comme agréable. La communauté professionnelle ne succombe-t-elle pas à la tentation de ne montrer que la face sombre du métier ? Tous les grands métiers ont des servitudes et les plus prestigieux, qui arrivent en tête de l’estime de l’opinion, ont les plus lourdes servitudes: croit-on qu’être médecin, infirmier, pilote de chasse, pompier (c’est là le florilège des professions les plus appréciées des Français) n’emporte pas pour conséquence de travailler sans compter ses heures, son énergie, d’être disponible, de ne pouvoir donner à sa vie personnelle le même temps que les autres ? Ce sont les enjeux qui font les métiers en haut de l’affiche, la noblesse des enjeux. Gérer une copropriété, ce n’est pas gérer un immeuble mais le lien entre l’immeuble et ceux qui s’en partagent la propriété. C’est être alchimiste. C’est favoriser l’ajustement des intérêts particuliers pour que l’intérêt collectif finisse par primer. C’est une fonction politique.

 

Aux termes de la loi du 10 juillet 1965, il est l’exécutif du syndicat des copropriétaires, qui détient le pouvoir législatif. Il est en fait bien plus qu’un bras armé. Il a devoir de conseil constamment confirmé par la jurisprudence et à l’heure de la rénovation énergétique il doit se muter en ingénieur financier et en ensemblier technique sans qui les objectifs de la future loi Climat Résilience ne seront jamais atteints dans le parc collectif de nos villes. L’État ne le mesure sûrement pas assez.

 

Les copropriétaires peuvent-ils contribuer à rendre le métier plus attractif ? Oui, et il est temps qu’ils le réalisent. D’abord en comprenant que des honoraires à bonne hauteur sont le gage d’un équilibre économique au sein du cabinet qui assure un effectif suffisant, pour chaque gestionnaire n’ait pas de portefeuille excessivement lourd. Ils doivent demander des comptes sur la formation continue offerte aux gestionnaires, garantie de leur compétence actualisée. Et puis, à l’époque de la dénonciation justifiée de tous les harcèlements et de toutes les déviances comportementales, je dénonce qu’on puisse ne pas respecter un gestionnaire et le choisir pour exutoire de ses aigreurs lors d’une réunion d’assemblée générale de copropriété, ce lieu où l’on est tenté d’exercer sans discernement le pouvoir que vous confère la propriété d’un seul tantième ! Halte aux attitudes indignes et il y en a beaucoup chaque jour. Que les responsables de la profession, de leur côté, montrent les multiples atouts de ce métier et cessent de le desservir malgré eux... alors qu’il y ont souvent fait leur vie et leur réussite ! Une campagne de communication concertée pour promouvoir le métier serait bienvenue.

 

Si l’image et l’attractivité du métier de gestionnaire de copropriété ne sont pas rehaussés dans les meilleurs délais, on risque juste de voir la qualité de gestion se dégrader et en particulier la transition environnementale ne pas se concrétiser. Les syndics en sont la condition. On risque également que les acteurs substituent à la gestion humaine une gestion trop digitale, faute de combattants, ou pour assurer une profitabilité majorée, qui peut faire en première approche le bonheur de fonds d’investissement ou des actionnaires traditionnels, pas forcément des copropriétaires. Une voie existe, qui peut satisfaire toutes les parties prenantes : elle passe par la restauration de l’attrait de ce métier, transfiguré, dans l’ordre de la gestion en patrimoine collectif plus que de l’administration de biens. On ajoutera qu’au demeurant le destin de syndic professionnel sied à des jeunes avides de sens et de densité professionnelle, comme à des femmes et des hommes en reconversion, désireux d’être responsables et reconnus.

 

EXTRAIT LE CAPITAL 03/05/2021.